soften every edge (andreas)

soften every edge — @andreas bok
You and me were raised in the same part of town. Got these scars on the same ground. Remember how we used to kick around just wasting time?

Le chauffage a rendu l’âme, ça fait quelques semaines qu’elle l’entend crachoter, galérer à délivrer le peu de chaleur dont il est capable. Au moins aura-t-il survécu à l’hiver, ces dernières semaines ayant présenté une température plus clémente, digne d’un vrai printemps. Elle peut s’estimer heureuse. Elle a connu bien pire que les quelques frissons que ça lui arrache la nuit quand il cesse de fonctionner et que la brise nocturne s’engouffre par la fenêtre si mal isolée. Suffit de s’envelopper dans un sweater, s’enrouler dans une deuxième couverture et de se forcer à s’endormir. Elle a connu bien pire. Certains soirs ça ne suffit pas cependant et elle est tétanisée par un froid qui n’a rien avoir avec la température ambiante et qui apporte avec lui au mieux insomnie au pire des cauchemars — souvent bien plus souvenirs qu’imagination. Recroquevillée sur elle-même, Fairuz presse l’ours en peluche contre sa poitrine comme l’enfant auquel il appartient, en espérant se réchauffer le cœur ainsi, en vain. Elle est épuisée pourtant, elle devrait savoir se forcer à dormir, par nécessité absolue comme elle a dû le faire de si nombreuses fois, mais elle n’y arrive plus. Dans un grognement frustré, elle s’extirpe de son lit et enfile les premiers vêtements qui lui passent sous la main, serrant toujours le jouet contre elle en sortant de son appartement qu’elle verrouille doublement. Le trajet, si court soit-il, lui semble une éternité effectué au milieu de la nuit, dans des rues mal éclairées de la ville. Elle ne tire que peu d’assurances de la dague dans la poche de son jogging et encore moins du sang bouillonnant de magie qui lui coule dans les veines.

Elle ignore quelques sifflements et autres cris racoleurs, rabattant sa capuche sur sa tête et finit par arriver devant l’immeuble bien moins délabré que le sien où elle passe certaines de ses nuits. Elle hésite devant la porte, ses doigts s’arrêtant avant d’avoir pu atteindre le battant, elle les enfonce dans sa poche pour en sortir son téléphone. Hey, you home? I’m at your door. Elle a un double des clés, mais elle préfère toujours demander, par crainte de déranger, de trop s’imposer. Et puis, peut-être qu’il dort déjà. Elle attend un peu et entend finalement du bruit de l’autre côté de la porte, reculant un peu comme pour laisser la place à Andy lorsqu’il lui ouvre. — Hey. Sorry. fait-elle tout doucement, consciente que, si minuit est à peine dépassé les voisins, ne seraient pas très heureux qu’elle s’égosille dans le couloir. Ils ont depuis longtemps déjà dépassé le stade des excuses pour ses visites à l’improviste, mais c’est à croire qu’elle ne sait pas, ne saura jamais, s’arrêter. Elle sait reconnaître ses privilèges, quand elle en a et ne prend jamais rien pour acquis. Pas même ses amitiés. Pas même Andy. — Rhae left him at my place.  Elle désigne le teddy sans pour autant le lui remettre, une petite moue coupable sur les lèvres. — I’m afraid it smells a bit like me now.  Ça fait quelques jours que Rhaenys a oublié la peluche chez elle quand elle la gardait, quelques jours déjà qu’elle aurait pu venir le lui rendre, qu’elle aurait dû, adulte raisonnable qu’elle est. Au lieu de quoi, elle a dormi avec, serré contre elle comme s’il s’agissait de sa filleule elle-même. C’est qu’il sentait comme elle, tout comme le hoodie qu’elle porte ce soir, sent comme Andreas. — Is she here? chuchoté plus bas encore, pour ne pas risquer de la réveiller si c’était le cas, jetant par automatisme un regard par-dessus l’épaule de son ami. — Sorry. Son petit sourire contrit, cherchant sans doute à provoquer l’attendrissement, n’enlève rien à sa sincérité. — You busy? S’inquiète-t-elle soudain, prête à faire demi tour si c’est le cas, parfaitement consciente que la place du lit qu’elle s’approprie parfois est peut-être déjà occupée.

soften every edge — @fairuz willowisp
You and me were raised in the same part of town
Got these scars on the same ground
Remember how we used to kick around just wasting time?

Le bruit de la rue traversait les fenêtres mal isolées pour se rappeler à lui dès qu'il tentait de fermer, ne serait-ce que quelques secondes, les yeux. À travers les persiennes délattées par endroits, les lumières des lampadaires et des néons clignotant se reflétaient sur son plafond, dessinant les ombres chinoises des vies qui continuaient de se dérouler malgré l'heure, qui commençait à se faire tardive. Andreas n'arrivait pas à dormir, sans parvenir à s'expliquer pourquoi. Toutes ses pensées des derniers jours s'agitaient dans son esprit, se rappelant à lui sous forme d'un théâtre absurde où il tenait toujours le premier rôle et, en même temps, celui du public impuissant. Il n'arrivait pas à faire le tri dans... tout. Tout ce qui habitait son esprit, tout ce qui le perturbait au point de lui faire doucement froncer les sourcils et le bout du nez. Il soupira, passa sa main sur son visage, et tenta à nouveau de fermer les yeux. Sur l'écran noir de sa chair, des visages se suivaient sans se ressembler, mais un se stoppa, se figeant devant lui comme pour le narguer. Des traits fins, des yeux foncés, une peau claire, des cheveux noirs. Andreas grogna. Se redressant dans son lit, il frotta ses yeux de ses paumes pour retirer les images imprimées en persistance rétinienne, et observa la pièce autour de lui. Les jouets de Rhaenys trahissaient le souvenir de sa présence il y a encore quelques heures, avant qu'il ne la redépose chez sa mère, et firent naître une petite moue sur le visage d'Andy. Sa fille lui manquait déjà.
Le vibreur de son téléphone le ramena à la réalité. New York, le Bas, la lune déjà haute dans le ciel et les étoiles incapables de briller au milieu de la pollution lumineuse qui dégueulassait le paysage nocturne. Se passant une main dans les cheveux, il attrapa son portable et arqua un sourcil. Fairuz. Dans un soupir en écho à la complainte de ses muscles fatigués, il se releva, attrapa son jogging abandonné au sol pour l'enfiler, et alla ouvrir la porte. Elle était de ces visages qui faisaient partie intégrante de sa vie. Haut placée dans la liste de ses personnes préférées, Faye était une constante rassurante, une partie de lui dont il ne pouvait se passer trop longtemps, et qu'il avait pris l'habitude imprégnée jusque dans ses veines et ses nerfs de la voir déambuler dans son champ de vision. Ils s'étaient vus grandir mutuellement, à travers le regard de l'autre. Devenir des adultes un peu bancals, pas totalement construits, qui cherchaient encore un moyen de subsister à travers l'univers qui avait fini par faire d'eux des produits de guerre, en plus d'orphelins. Il sourit, ouvrant la porte pour la laisser entrer dans l'appartement. — You could've use your key. Elle l'avait depuis des années. Comme la plus pure évidence, les clefs avaient été distribuées entre Jasper, Adley, Faye et lui, quand bien même elle n'avait jamais habité officiellement chez eux ; mais c'était tout comme, plusieurs soirs par semaine. Ses yeux se baissèrent vers l'ours de sa fille, un sourire s'esquissant sur ses lèvres. Elle lui manquait vraiment. — She's back at Arrei's, but I'll give it to her next time she comes around, thanks. Il ne lui réclama pourtant pas, la laissant le garder contre son buste alors qu'il referma la porte derrière elle. — She won't complain about that, you know it right ? She always speaks about how good you smell, and how she'd like to be like you when she's a grown up. Avec toute la tendresse qu'un père pouvait porter à sa fille, il roula des yeux et sourit doucement. S'il n'était pas le meilleur parent de New York, à peine dans la catégorie « okayest », il tentait de se rattraper comme il le pouvait ; balancé ente ses obligations, son incapacité à tenir certaines promesses, et son envie de bien faire. Il secoua à nouveau la tête, la détaillant un instant. — Insomnia ? Nightmares ? Both of them ? La liste de ses arrivées nocturnes était longue et celles des excuses qu'elle pouvait donner aussi ; depuis des années, Andy essayait de lui faire comprendre qu'elle n'avait besoin d'aucune raison pour s'immiscer chez lui, que sa porte lui serait toujours ouverte et que, dans le cas contraire, elle avait les clefs en main pour venir réclamer la place qu'il lui gardait depuis des années.

Aussi rassurée que Faye puisse être de ne pas avoir par sa venue mis en péril le sommeil précieux de Rhaenys, elle est un peu déçue de son absence. Elle n’apprécie rien de mieux que leurs siestes communes ou, en l’occurrence, les vraies nuits de sommeil. — Kiss her for me when you see her. Puisqu’elle n’est pas là, elle ne se sent pas plus pressée que ça de remettre l’ourson à Andreas, qui ne le lui réclame pas non plus et lui permet de le garder encore un peu contre elle, comme une armure, non qu’elle en ait besoin ici, avec lui. Si elle a toujours peur de trop s’imposer, de prendre trop de place chez les autres, il n’est pas vraiment d’endroit où elle se sente plus à l’aise ou en sécurité que dans l’appartement d’Andy. Elle ne sait s’empêcher de rosir devant ce qui lui semble être le meilleur compliment au monde, luttant vainement pour ne pas fondre trop ostensiblement. — Oh, I wouldn’t wish that on her! Il y a tellement mieux à aspirer être qu’elle. Il y a tellement de choses qui ne vont pas chez elle, tant de dégâts, tant de travers. Rhaenys sera une personne tellement plus belle et formidable qu’elle quand elle sera grande ; elle l’est même déjà à ses yeux. — She’ll be so much better. Ce qui n'est pas bien difficile à faire, au contraire. Et puis, Rhaenys aura une meilleure vie surtout, elle n’en doute pas une seconde quand elle voit les efforts que font pour elle ses parents, sans compter le reste de son entourage. Toutefois, savoir que son odeur lui plaît, saura réchauffer le cœur de Fairuz pendant encore longtemps.  — Insomnia ? Nightmares ? Both of them ? Un haussement d’épaules lui répond d’abord, l’air de dire que c’est plus que ça, que c’est tout, que c’est la vie et donc que ce n’est rien — rien qui sorte de l’ordinaire, rien auquel elle ne s’est pas déjà habituée, bon gré mal gré. Rien, somme toute, qui mérite que l’on s’inquiète. — Both I guess. La vie la hante plus que les cauchemars. — Missed you. Elle n’a ni peur ni honte de l’admettre. Faye n’a jamais peur que ce soit à sens unique, moins parce qu’elle est certaine de sa place dans le cœur du jeune homme que parce qu’elle n’attend jamais plus rien en retour de ses affections et diffuse sa tendresse sans retenue ni arrière-pensée. Toutefois elle sait aussi, d’une certitude néanmoins toute timide, qu’il sera sans doute encore le dernier à la rejeter, à l’oublier. — How about you? No sleep? No job tonight? No guest either?  Un fin sourire étire ses lèvres et elle joue avec une des pattes de la peluche, la secouant vers le visage d’Andy. — Gut feeling, a sleepy weirdo with a teddy bear would show up at your door kept you up? Elle ne se plaint pas bien évidemment, elle aurait détesté l’arracher au sommeil, à ses obligations ou à un autre invité plus intéressant qu’elle. Ceci dit, s’il est chez lui tout seul à cette heure-ci c’est sans doute que sa journée à été aussi longue et épuisante que la sienne et en ce sens elle dérange déjà au moins un peu. — I’m afraid I came empty handed - other than the bear. And uh- ah yes. Elle plonge une main dans la poche de son jogging pour en sortir un paquet de cigarettes et une briquet argenté dont on lui a fait cadeau, déposant sa maigre offrande sur la première surface qui lui passe sous la main. — But I can go down to the bodega and get us something if you want?  Elle rechigne toujours à vider ne serait-ce qu’infiniment les réserves alimentaires d’autrui et elle ira tout naturellement leur acheter des cannettes et un paquet de chips s’il le désire.

Les gens avaient l'habitude d'aller et venir dans la vie d'Andreas Bok. Pour des périodes plus ou moins longues, pour s'en aller définitivement comme l'avait fait Jasper, pour revenir plus tard. D'autres laissaient le doute planer, à la façon d'Adley – ils se croisaient encore parfois, les regards maladroits et les paroles bloquées dans la gorge, obstruant ses voies respiratoires aussi longtemps qu'il le savait près de lui. Adley avait fait partie de sa vie et encore aujourd'hui, il était l'une des personnes les plus importantes aux yeux d'Andy. Et pourtant, il était incapable de savoir s'il parviendrait à renouer un jour un quelconque lien avec son cadet. Puis finalement, il y avait les autres. Ceux dont il savait parfaitement qu'ils resteraient toujours avec lui, quoi qu'il advienne. Ceux à côté de qui il se voyait grandir, vieillir, grey and old, en sachant que peu de choses étaient capables de faire tanguer leur amitié et de l'envoyer à la dérive, là où elle n'aurait plus lieu d'être. Parmi eux se trouvait Fairuz et ses yeux clairs, son grand sourire et sa présence rassurante. — Will do, Andy acquiesça, refermant la porte derrière la silhouette fine et élancée de Faye, sachant pertinemment qu'elle ferait dès lors comme chez elle – parce qu'elle l'était, chez elle, d'une certaine façon. L'appartement qu'il partageait avec Jasper et Adley était devenu un refuge pour les Willowisp et ses autres amis proches. Et quelques fois, des âmes à la dérive venaient y passer une nuit, Iseul Seong comme dernier exemple en la matière. — Well, I'd be happier if she ends up like you rather than her dad. Un pouffement de rire secoua doucement sa poitrine alors qu'il s'imaginait la scène ; sa petite Rhaenys qui grandissait, jurant comme un chartier et accro aux sensations fortes, capables de faire avoir une attaque à ses parents tous les quatre matins. Mauvais plan, Andreas aurait la conscience bien plus tranquille si seulement elle grandissait avec un caractère semblable à celui de sa tante Faye. Andreas se dirigea vers la cuisine ouverte sur le petit salon. L'appartement était exigu, avec simplement la pièce de vie, une chambre pour lui, anciennement celle de Jasper, une chambre pour Rhaenys, celle qu'il partageait autrefois avec Adley, et une salle de bain minuscule. Un sourire étira doucement ses lèvres alors qu'il s'arrêta devant le frigo, acquiesça doucement. — Missed you too. Faye était autant une petite sœur qu'une jeune maman de substitution. Ils avaient cette faculté commune à prendre soin de l'autre, se serrer les coudes et s'assurer que l'autre ne manquait jamais de rien. Un lien hors du commun à ses yeux, fort et terriblement précieux. Un nouveau sourire étira ses lèvres, alors qu'il lui lança un regard appuyé, puis adressa le même à la peluche qu'elle tenait encore entre ses paumes et ses longs doigts fins. — No sleep. I've tried, but I was probably going for another insomnia tonight. Il haussa un peu les épaules. — No job, no child, no one to share my night with and yet, I'm still unable to close one eye. Such a pity. Son ton était ironique mais ses propos sincères. Rhaenys était dans une sale période où des cauchemars continuaient sans cesse de secouer ses nuits. Le boulot était souvent prenant, les combats de gladiateurs battant leur plein et les courses de rue semblant attirer de plus en plus de regards, et donc de demande. Quant au lit partagé... Depuis un moment déjà, la place à côté de lui prenait l'habitude de rester froide. La dernière personne ne faisant pas partie de son cercle rapproché à être venue dormir chez lui n'était nul autre qu'un Seong, et le refus de céder à ses avances lourdes et ennuyeuses avait pris le pas sur l'envie inavouée de retrouver un peu de contact humain. Soit. Ouvrant le frigo, il balaya d'un geste de la main les excuses à demi-mots de Faye. — You didn't need to bring anything, you know it. Il sortit tour à tour une bouteille de coca entamée, une de jus d'orange, puis désigna le robinet pour lui demander ce qu'elle voulait boire, avant d'afficher un petit sourire. — But I'm clearly taking that, thanks. D'un signe du menton, il désigna les cigarettes et le briquet, leur servi à boire et attrapa finalement le paquet pour en coincer une entre ses dents, après lui avoir tendu son verre. La flamme du briquet vacilla sous ses yeux, réchauffant le bout de son nez alors qu'il inspira une première bouffée et alla ouvrir une fenêtre du salon, puis celle de la chambre en faisant signe à Faye de le suivre. C'était une routine. Il ouvrit son placard, sorti un de ses hoodies et lui tendit, comme à son habitude, parce qu'il savait qu'elle finirait tôt ou tard par le lui demander. Puis il attrapa un cendrier déjà à moitié plein, se laissa tomber sur son lit et le posa contre son torse, avant de la regarder. — How's your week been ? On a scale of 'not so bad' to 'absolute shit'. Doucement, il tapota le matelas à côté de lui pour lui faire signe de venir s'allonger contre son flanc.