there are softer people to love (faye)

there are softer people to love — @fairuz willowisp
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for letting me exist and do
all the damage my living requires.
Au-delà de l’horizon se répandait l’or du jour en un ressac mutique. Brisant la nue, le solaire assurait son ballet avec une déférence sereine sous le regard de quelques égarés contemplant le spectacle. En leurs foyers obscurs, pourtant, il faisait encore nuit en ces cœurs alanguis sous le givre de leur repos. Les maisonnées suintant leurs ténèbres attendaient le glas d’un jour nouveau, leurs habitants prêts à se rompre en la parade  débilitante d’un quotidien rythmé comme du papier à musique. Trainant sa besace, le fardeau alourdissant son épaule était un poids que Yaj peinait à transporter quand sa carne était douloureusement endolorie. Galérien vivant de ses mauvais coups, le gamin avait le cœur à la fuite. Ses veines brûlaient encore au gré de cette adrénaline l’enjoignant de continuer à avancer, de ne pas oublier qu’où il va le monde était à ses trousses. Peu importait jusqu’où il s’échinerait à fuir, le monde finirait inlassablement par le rattraper.
S’arrêtant un instant au pied de sa demeure, escale transitoire venue rompre une transhumance permanente, il exhala difficilement. Perlait à son front l’eau salée de son labeur, une fine couche de sueur recouvrant sa chair moite et ses implorations. Le sang maculait le bas de son t-shirt impudemment, l’incarnat imprégnant sa chair de son urgence méphitique. De quelques tours, Yaj arrachait imprudemment des brins d’espoirs aux manants le rencontrant. De quelques mauvais tours, le gamin ravalait difficilement la ciguë de ses pêchers quand pris la main dans le sac il risquait d’en perdre les doigts.  Portant difficilement son faix jusqu’à la demeure de Fairuz, le Willowisp avait déjà trop de fois battu le trottoir de détours volontaires en heures de pénitence de peur d’amener son malheur jusqu’aux portes de sa sœur d’âme. Incapable de lutter contre la vague le trainant toujours plus vers l’avant, l’appel de cette route lui rappelant son foyer, il fit un premier pas, puis un second.
La fatigue maculait son regard sombre, les poches sous ses yeux rappelant l’aspect illicite de son existence placée sous le sacre de la sorgue. Abandonnant son poids à l’encadrement de la porte, il laissa sa tête reposer contre l’encadrement quand de sa main libre il venait écraser ses phalanges contre le bois. De l’autre côté de l’entrée, la vie s’éveillait avec grâce, l’écho de son impétuosité tranquille grondant en une symphonie indolente. Soudainement, la porte s’entrouvrait et c’était son amie de toujours qui dévoilait son visage, les marques du sommeil encore tatoué le long de ses traits. D’un sourire doux, peut-être trop pour l’état dans lequel il se trouvait, Yaj adoucissait si aisément l’inquiétude naissant dans les prunelles de son opposée. Son plus beau tour consistant à se prétendre moins amoché qu’il ne l’était véritablement en dedans. “Hello darling, I’m sorry I didn’t think of picking up our breakfast on the way.” Sa main droite portée à la plaie, le sang perlait silencieusement hors de la prison de ses doigts, le liquide carminé maculant irrévérencieusement l’instant de son effroi. Pourtant, désinvolte, le Willowisp souriait tendrement, à croire qu’il avait oublié la raison de sa venue. Ce qui ne semblait pas être le cas de la jeune femme voyant clair dans le jeu de son frère d’âme bien trop inconscient pour son propre bien. Amusé, Yaj laissa sombrer hors de ses lippes l’écho d’un rire tandis que ses yeux tombaient sur ce qui était perceptible de la plaie. “Funny story, really. I was running away after nicking a bag and i scratched myself climbing and then falling from a fence.” Soulevant précautionneusement le tissu, le galérien dévoila la plaie dont s’écoulait irrévérencieusement l’ichor. Le ciel violacé tatoué à sa hanche laissant imaginer l’ampleur de sa chute.

Spoiler:

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Les rayons du soleil se glissent à travers le store mal installé, remplissent la petite pièce de poussière lumineuse, jusqu’à atteindre les traits froncés de l’endormie. Elle presse sa joue contre le Teddy oublié par Rhaenys, se raccroche comme elle peut à un Morphée fugace qui s’est montré bien difficile cette nuit et déjà lui échappe furieusement. Le coup ultime à son repos est porté par celui qui s’écrase contre la porte du studio, qu’elle croit d’abord reste d’un rêve déjà oublié, avant de se redresser sur le matelas et de réaliser qu’on frappe bel et bien à sa porte. Deux poings à ses paupières, elle se débarrasse du sommeil et se glisse pieds nus hors du lit, jetant un œil rapide au judas avant de désamorcer tous les cadenas. Toute idée d’essayer de rendormir est oubliée en le voyant-là, si tôt, sur son palier, sachant avant même que son regard n’achève sa course le long de son corps, avant même qu’il ne quitte le sourire doux que lui offre Yaj, qu’il lui est arrivé malheur. “Hello darling, I’m sorry I didn’t think of picking up our breakfast on the way.” Elle l’entend à peine, les yeux écarquillés par l’inquiétude alors que toute son attention est accaparée par la plaie qui ruine lentement ses vêtements, ses doigts, son pauvre Yaj. “Oh Lord, Yaj what have you done to yourself?” marmonne-t-elle en tendant déjà une paire de doigts vers les siens comme si, en l’effleurant, elle pouvait lui voler sa douleur. Quand il rit, elle relève le regard vers lui, les sourcils farouchement froncés, l’humour de la situation lui échappe tout à fait.  “Funny story, really. I was running away after nicking a bag and i scratched myself climbing and then falling from a fence.” Elle secoue la tête pince des lèvres en constatant l’ampleur des dégâts, devinant l’horreur de la chute et la douleur de son ami. “Come in.” Mais plutôt que de s’écarter pour le laisser entrer, elle vient plutôt se placer à son flanc, barrer ses propres épaules d’un de ses bras pour l’aider à se mouvoir jusqu’au canapé au milieu du salon-chambre qu’elle occupe, après avoir fermé la porte d’un coup de pied.

“Don’t move.” Ordonne-t-elle une fois qu’il est allongé, quand bien même elle pense savoir que, vu son état, il y a peu de risque qu’il fuie — quoiqu’on ne sache jamais avec les Willowisps. Elle se lave les mains rapidement avant d’attraper une trousse rouge sur une commode, et une bouteille sous l’évier.  “I better not find a bullet in that wound babe.” prévient-elle sur un faux ton sérieux qui peine à masquer l’inquiétude profonde sous-jacente. Le bleu en devenir sur sa hanche corrobore plutôt bien les circonstances prétendues de sa blessures. Il doit savoir que ça serait contreproductif de mentir à ce sujet, non qu'elle ne le croit pas capable de polir quelques détails pour la rassurer. Elle tire une chaise près du canapé et s’installe, la trousse à pharmacie en équilibre sur ses genoux, la bouteille de désinfectant à ses pieds. “By the looks of it, you took your sweet time getting here.” Elle a noté les tons violacés de sa peau, le marronné des tâches sur ses vêtements en dépit du sang affluant encore. “Why?” réprimande-t-elle en secouant la tête. Il n’a définitivement pas fait qu’arriver lentement en raison des difficultés qu’il avait à se déplacer. Il sait qu’elle se serait levée à toute heure de la nuit pour lui. Il sait qu’elle se fiche du danger dans lequel il peut la mettre. Il sait qu’elle aurait préféré qu’il vienne immédiatement se faire soigner. Elle sait qu’il n’en a fait qu’à sa tête malgré tout. “Anyone after you?” Si inquiétude il y a à cette idée, elle lui est exclusivement réservée. “Want a drink before I start?” Suggère-t-elle doucement en venant, d’une paire de ciseaux, le débarrasser définitivement de son t-shirt pour avoir meilleur accès à la plaie.

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Longuement, le Willowisp n’avait eu de maison que les reliques délabrées de ses plus évanescents souvenirs. Longuement, il n’avait cru qu’en l’idée de ces foyers aux murs droits, qu’à ces familles nucléaires liées par un sang qu’il versait si allègrement. Pourtant, égaré aux prises avec l’océan de ses plus élégiaques peurs, il fut trouvé alors même qu’il ne savait pas être perdu. Enfant au cœur volcan, à l’optimisme maladif, certain se sont écorchés au tranchant de ses sourires refusant à faner. Trop se sont lassé du brûlant de ces lueurs lui tombant des yeux. À croire qu’il fallait que le monde l’abandonne pour en retour pouvoir s’égarer, pour qu’il puisse s’écharper la carne en ces coins obscurs de son propre encéphale. Pour qu’enfin on vienne le chercher. L’arracher à la solitude et d’une paire de bras qu’on érige les fondations de son foyer. Quand bien même il faisait nuit entre ses côtes, Yaj n’avait jamais oublié que le soleil était voué à se lever. Dépositaire involontaire de sa fougue, de son entêtement, il était dans les sourires du gamin trop d’éclats de l’astre que pour résister au charme de son arrogance attendrie.
Il était inconscient le voyou, trop doux le galérien, celui qui laissait toujours un peu de lui où qu’il passe. Icare involontaire aux ailes calcinées, suie et cendres se mélangeaient avec le sang qu’il s’évertuait inlassablement à verser de mauvaises idées en imprévus. Le sourire toujours assurément affiché, il était dans sa droiture infaillible quelque chose de rassurant. Il était dans la légèreté avec laquelle il venait saigner à même le paillasson quelque chose d’apaisant. Quelque chose qui pourtant ne savait amadouer l’inquiétude de son amie trop habituée à ses frasques pour se laisser subjuguer par ses tours les plus familiers. Malgré lui, le gamin a mal à la voir comme ça, frappée par l’inquiétude qu’il lui imposait aussi inconsidérément. À croire que jusqu’alors la plaie n’était qu’un spectre hantant le souvenir de sa chair, une blessure trop vite oubliée. Comme si, dans les yeux de Fairuz l’entrelacs de sa douleur se faisait soudainement réalité. Inébranlé, ne se départissant pas de sa verve, il entonnait un même refrain, exhalait cette même légèreté. Peut-être un jour cela suffirait à la rassurer.
Se laissait manipuler par la jeune femme, il lâcha une exhalation peinée tandis que son corps se fondait dans le canapé accueillant sa carcasse endolorie. Fermant les yeux un instant, rattrapé par la fatigue de cette nuit, il écoutait l’eau s’écouler dans l’évier, le bruit rassurant de la vie qui continuait à se rompre quand même on pourrait l’oublier. Amusé par sa remarque, il ouvrit les yeux sur le plafond décrépi, s’étiolant au gré d’un rire bref Yaj posa ses yeux sur Faye traînant une chaise jusqu’à lui. “Sweetie, you know I’m too fast for bullets to catch me.” Le corps un aléa mutilé, une lésion dont il oubliait trop souvent de s’occuper, les cicatrices balafrant sa chair traduisaient l’odyssée de son existence. Le récit involontaire de cette survie à laquelle il ne pouvait se dérober. Aux yeux de sa sœur, cette histoire fièrement exhibée le long des traces maculant son derme portait une tout autre signification. La douleur qu’elle y percevait étrangère à celui les portant pourtant.
Retirant sa main de la plaie, découvrant la chair lacérée sous le tissu déchiré, il laissa Faye frôler l’épicentre de la douleur. Se contentait de ravaler le grondement bestial cherchant à s’échapper de sa gorge, il tâchait de sourire alors que les yeux de la jeune femme retombaient sur son visage. “Would you believe me if I were to tell you I forgot the way?” Le mensonge était pleinement assumé entre les crocs du louveteau. Celui qui, impétueux, s’amusait à éviter toutes questions l’incriminant, pas tant afin de camoufler la teneur de ses actes illicites que pour protéger son aînée des répercussions éventuelles de ses choix. Yaj avait beau assurer son rôle avec une pétulance intraitable, Fairuz refusait de se plier à ses choix scénaristiques. Refusait l’égide protectrice qu’il lui offrait au fil de ses fausses vérités effrontément entonnées. Comment lui en vouloir quand tout ce qui l’inquiétait était sa sécurité à lui? Comment ne pas être attendri par cette conversation de sourd où chacun campait sur sa position en refusant que l’autre l’aveugle à la réalité de son état? Il y avait trop d’amours entre les orphelins. Tant d’amour entre ceux qui après avoir été rejetés par le monde décidèrent de toujours se choisir mutuellement. Posant le dos de sa main sur ses yeux, le Willowisp soupira éreinté par le sommeil qu’il fuyait trop souvent. “There’s no one, of course. I wouldn’t be here otherwise.” Gromella-t-il tandis qu’il sentait le tissu de son t-shirt retomber mollement de part et d’autre de son torse. “I really liked that shirt!” Ajouta-t-il en contemplant le travail de son amie. Le tissu déchiré ci et là, le sang imbibant le tissu, la paire de ciseaux venue achever le travail. Mordant sa lippe inférieure en une moue faussement outrée, ses traits s’adoucirent pour demander le spiritueux capable d’adoucir ses maux. “Yeah, a drink sounds about right in this situation.” Marin buvant la tasse, malgré sa position inconfortable, Yaj récupéra le verre pour en laper le contenu aussitôt lui fut-il proposé.

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“I’ll buy you a new one.” Promet Fairuz sans ciller face à son indignation qu’elle sait travaillée. Elle-même ne ment pas ceci dit, elle compte sincèrement offrir un nouveau vêtement à Yaj en compensation, voire peut-être en récompense s’il se tient bien pendant qu’elle le rafistole et, surtout, s’il sait être sage quelques heures au moins après. Il sera neuf pour de vrai, d'ailleurs, pas volé — point d'honneur qu'elle met dans tous ses cadeaux à sa famille. Elle se lève pour attraper une bouteille au liquide transparent rangée d'ordinaire sous l’évier, là plus pour les autres que pour elle-même qui ne s’en octroie jamais la moindre gorgée. Elle en offre un peu à Yaj dans le fond d'un verre, avec un sourire désolé pour cet ersatz d’anesthésiant. C’est malheureusement encore ce qui coûte le plus cher et ce qui est le plus dur à voler. Quant aux anti-douleurs qui circulent plus allégrement dans leur coin de la ville, elle se refuse catégoriquement à exposer ses patients à la moindre addiction. “Next time — not that I want there to be a next time mind you, but I’m not quite as naive as I look — you come here right away. No detours.” Malgré le regard sérieux qu’elle lui offre, elle sait que la requête est vaine. Elle se craque les doigts en s’installant de nouveau, incapable de réprimer sa moue en s’approchant de la plaie qu’elle entreprend avant tout de nettoyer: “You know the drill, if I hurt you, you let me know.” Il connaît le refrain, tout aussi bien qu’elle-même sait qu’il retiendra autant qu’il en est capable toute expression de sa douleur. Faye s’affaire, délicate et patiente, chaque geste mesuré et étonnement sûr ; soigner est la seule chose pour laquelle elle semble savoir se faire confiance, en dépit d’un échec cuisant qui lui torpille encore le cœur. Le derme de Yaj renoue avec son fil à coudre qu’elle manie avec précision avant de ranger son matériel. “There. Wait up.” D’un regard appuyé elle l’enjoint à ne pas bouger tandis qu’elle va chercher une compresse dans son congélateur revenant bien vite appuyer le sachet bleuté sur l’ecchymose de Yaj. Il n’y a rien de plus qu’elle puisse faire pour le bleu qui éclot douloureusement sur sa chair ambrée, outre le petit tube de crème qu’elle sort de sa trousse. “Twice a day for a few days.” Non qu’elle ne compte pas elle-même vérifier régulièrement l’évolution de ses blessures, évidemment.

Elle observe son travail un moment avec une petite moue, insatisfaite, comme toujours, de ne pouvoir rendre ses patients comme neufs. Il n’y aurait qu’une seule manière d’atteindre un tel résultat et le prix en est malheureusement trop élevé. “Hmmm. All done. But ‘Nurse Faye’ says you need some rest.” Si son autorité naturelle est minime, l’assurance qu’elle donne à sa préconisation vaut ordre. C'est le sujet sur lequel elle démord le moins même avec ses proches — surtout avec eux. Elle pose une main sur l’épaule de son frère pour le forcer à rester allonger si toutefois l’idée saugrenue de fuir lui passerait par l’esprit. “She also says you could probably use some breakfast. I got pancake mix. Or eggs. Or both.” Elle plisse des yeux : “When’s the last time you ate?” Ils n’en sont plus (autant) à crever de faim la moitié du temps, mais la question demeure inévitable chaque fois qu’elle reçoit un Willowisp. “What do you say? I could also get us something from the supermarket if you want.” Elle effleure son front du dos de la main, aussi bien caresse que vérification inquiète quoiqu’elle lui offre un sourire chaleureux ce faisant et ne s'attarde pas quand la température lui semble ordinaire. “Oh.” Elle se lève brusquement pour rejoindre la commode près de son lit dans un coin de la pièce, farfouille un instant avant de trouver sans mal quelque chose qui pourrait être à la taille de Yaj. Même si le printemps est clément, il fait encore un peu frais dans son appartement, la faute aussi bien au chauffage épuisé qu'à l'isolation inexistante. “There…Er…It was probably yours in the first place anyways.” Si Faye est généreuse et vole peut-être moins pou son propre compte que ses comparses, elle a un penchant certain pour un type de larcin dont tous ses frères de l’orphelinat ont fait les frais. Certains plus que d’autres. “Sorry.” Mais pour une fois Fairuz ne semble pas tout à fait sincère dans sa pénitence, ayant même presque du mal à lui rendre son hoodie. Sans plus attendre elle retourne au coin cuisine pour entamer la préparation de leur repas. “Tell me what was in the bag.” Propose-t-elle pour les distraire tous les deux tandis qu'elle fouille ses placards et met de l'eau à chauffer.

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Peu importait le temps emporté par la crue, les années s’étant écoulées le long de leurs traits, la douceur de l’embellie. Yaj était et resterait à jamais le dernier de cette grande fratrie disparate. Le gamin au sourire troué riant après s’être écorché les genoux dans la cour de l’orphelinat. Celui qui, redoutant la sorgue et l’obscurité de son royaume, se blottissait contre ses aînés quand il ne savait comment oublier l’horreur de ses cauchemars le tenant éveillé. À jamais endetté auprès de ceux lui ayant offert un foyer, il se prenait parfois malgré lui à alourdir le tribut de son existence. Pourtant, d’une douceur ineffable, les siens refusaient l’ingénuité de ses oboles. À croire qu’il n’était de prix que cette bande d’orphelins ne serait prête à payer pour lui. Il les comprenait le gamin, il ne les comprenait que trop bien. Il en avait déjà versé du sang pour ses ainés le Willowisp. Il n’était de sacrifice que lui-même ne serait prêt à faire pour leur arracher un sourire. “Do I get to choose it? Are you going to find me a pink one with a unicorn? Why buy one when you can simply snatch one?” Tandis qu’elle lui versait sa liqueur, le jeune homme songeait aux quelques billets qu’il lui faudrait cracher pour se procurer un simple bout de tissu. Habitué à trop de disettes, Yaj ne comprenait pas pourquoi Faye s’évertuait à lui acheter des choses quand il eut tôt fait de s’en procurer autrement. Peut-être que c’était un peu ça aimer? Se dépenser sans compter non pas pour combler un besoin, juste pour témoigner irrévérencieusement de la sincérité  du cœur.
Roulant des yeux face aux remontrances de Fairuz, le gamin se contenta de sourire de son air plus angélique avant de grommeler. “Yes, mom.” Leur ballet était serein, familier. Il prétendait la rassurer tandis qu’elle prétendait le croire. Quand bien même trop de fois elle lui avait dit de ne pas foncer la tête la première, de ne pas sauter des arbres, de ne pas courir après toutes chimères, il n’en avait jamais fait qu’à sa tête. La brune n’avait jamais cessé de l’accueillir bras ouverts quand l’étoffe maculée de poussière il revenait écharpé en tout part. Rien ne changeait. Il prétendait ne pas avoir mal, elle prétendait encore le croire. Les crocs serrés, retenant en dedans le feulement endolori d’une bête blessée, il ferma les yeux sentant la douce couturière faire danser son aiguille le long des confins de sa chair. Concentré sur sa respiration, il libéra une exhalation fébrile quand elle acheva son oeuvre. Sur le point de se redresser, d’assurer sa plus frauduleuse pièce de théâtre, il n’eut pas le temps de se mouvoir que la main de Faye le clouait sur place. “I feel fine!” Tenta-t-il d’argumenter avant que le regard de la belle ne le force à l’immobilisme. Les traits tirés en une moue ennuyée, il observa la crème qu’elle lui présentait avant de hausser un sourcil face à ses ordres. Le garçon n’avait jamais été connu pour rester immobile, quand bien même il frôlait l’inconscience parfois. Cependant, pour elle, il faisait des efforts, plus qu’il ne pouvait en assumer parfois.
“You really are a mom.” Un sourire venant délacé ses traits alourdis par la fatigue, il était une tendresse en sa voix que seules les années pouvaient expliquer. Regardant son amie tandis qu’elle vérifiait sa température, il s’amusait de ce langage défait du verbe et pourtant plus clair que ne l’étaient trop souvent les mots. Il n’existait pas de doute en son geste, aucune incertitude entre eux. Faye, limpide en son attachement pour le petit dernier de leur bande, elle professait ses sentiments de mille et une manières. Et lui, lui avait appris à écouter religieusement cette profession de foi en laquelle ses proches se perdaient eux qui ne savaient pas toujours dire. “Eggs sound like heaven right now, and I managed to eat some pasta last night. Happy? Now stop fretting over me.” Tandis qu’elle le quittait du regard un instant, Yaj en profita pour se hisser difficilement hors de sa position horizontale. Pressant son dos contre le canapé, il sentait sa chair se rompre sous la douleur se diffusant sous son derme. Trop fier, arrogant parfois, le galérien se refusa à la plainte ne demandant qu’à sortir de ses lippes, offrant un sourire éreinté à son amie tandis qu’elle lui tendait un vêtement. Observant les taches de peinture maculant le bas de la tenue, le logo familier, il sentit son buste se contracter sous le poids d’un rire et son écho, mais se retint de peur de souffrir plus encore. “I almost proud of you for stealing it without me noticing.” Passant ses bras dans les manches, il les leva précautionneusement, sentant la peau se tordre et tirer sur les fils qu’elle venait de nouer au niveau de sa blessure. En douceur, il enfila le hoodie avant d’ajouter : “I’ll bring you another one, so you don’t steal one of my favourites for once!” Le regard alourdi par ses heures sans sommeil, il laissa lui échapper un bâillement. Observant Faye préparer leur petit déjeuner, il se sentait en sécurité, chez lui comme partout où se trouvaient les siens. Les paupières lourdes, elle l’arracha à ses pensées de plus en plus évasives. “The guy looked like a precious man. Nice clothes, nice watch. Obviously big money.” Habitué à l’illégalité de ses actes, doué en cet art illicite, il en avait pris trop de choses à l’orphelinat. Surtout qu’aucun prix n’était trop cher à payer pour assurer sa subsistance. “There was a gun in the bag.” Conscient de la réaction que cela allait engendré, il fit une pause pour qu’elle le délave de son inquiétude, de ses remontrances, avant de reprendre. “I ditch it, of course. I don’t want to deal with whatever mess that is. There’s a lot of cash though. Also a ring I could sell.” Il était bon, peut-être trop. Il était trop bon en tout cas jusqu'au jour où ses actes finiront inlassablement par le rattraper.