หยุดเวลาได้ไหม / w. prajak

NIGHT OF THE PARTY, 2AM
Le casino se vidait de ses invités, pour le plus grand plaisir d'Iseul. La soirée avait été fructueuse et il savait que sa famille n'en serait que plus ravie de voir que le succès des casinos et autres attractions ne se tarissaient pas, mais, bien au contraire, ne faisaient que croître. Cet engouement, ils le devaient à quelques personnes qui travaillaient dur pour la promotion des commerces Seong. Phailin, d'abord, qui organisait les soirées d'une poigne de fer et d'une main d'experte. Prajak, ensuite, qui la secondait toujours dans tout ce qu'elle entreprenait. Quelques autres têtes lui venaient à l'esprit alors qu'il tentait de reconnaître un visage connu à travers la foule de personnes qui se dirigeaient progressivement vers la sortie. Il ne le laisserait pas s'en sortir aussi facilement. Interrompus dans leur conversation, Iz cherchait du regard le fuyant bougre qu'il avait abordé plus tôt.

Il ne lui laissa pas le choix - se glissant à travers les invités d'un pas rapide, il tira sa manche, puis son bras pour le faire s'engouffrer en sa compagnie dans l'un des couloirs de service du casino. Là où personne ne viendrait les déranger, une fois de plus. - Got you ... Se plaçant juste devant lui, il dépoussiéra d'un air espiègle le costume de Prajak. - You always try to run away, Praj'. Il fit remarquer en se reculant, tapotant les plis du tissu. - I know talking isn't your forte, but I think we could benefit from this. D'un nouvel élan, il attrapa sa main pour le mener à travers le labyrinthe de l'établissement. Puis, ensemble, ils gravirent les marches. Prajak pouvait bien résister qu'Iseul resserrait ses doigts autour des siens. Poussant d'un coup d'épaule la porte les menant vers l'extérieur, il leva le nez vers les étoiles qui brillaient, au milieu d'une nuit claire. - Come on, il répéta d'un air bienveillant. Il ne voulait le forcer à rien qu'à partager un moment qu'ils méritaient, à deux. Comme avant.

Des doigts étrangers se resserrèrent autour de son poignet. Les secondes qui suivirent échappèrent totalement à son contrôle. Lorsqu’il vit l’homme qui le forçait à le suivre, la résistance qui commençait à naître en lui s’évapora aussitôt ; il n’avait pas la force nécessaire pour s’opposer à Iseul Seong. Iseul Seong. La haine qu’il ressentait pour cet homme bouillonna dans son cœur alors qu’il se laissait emporter dans un des couloirs de service du casino ; oh, Iseul Seong aurait pu l’emporter n’importe où, Prajak l’aurait suivi religieusement, sans qu’aucun mot de protestation ne sorte de ses deux lèvres scellées. Il le haïssait tellement. I hate him. I hate him. Combien de fois avait-il murmuré ces mots, ces dix dernières années ? Un nombre incalculable de fois. Une litanie inutile, toutefois; quand bien même il cherchait à se convaincre qu’il détestait cet homme, il savait, pertinemment, que cette haine préfabriquée n’était qu’un leurre dont le but premier était de le tromper. Cette haine n’était là que pour dissimuler les sentiments tapis au fond de lui. Oh, pendant une seconde, il avait été prêt à se rebeller, à faire sauter un à un les doigts qui étreignait son poignet, à tirer violemment son bras en arrière pour se libérer. Mais lorsque la silhouette d’Iseul Seong était apparue sous ses yeux, le lion n’était plus qu’un agneau, incapable de se défendre, impuissant, résilié face au destin qui était le sien. Prajak l’avait suivi docilement.
Sa respiration était saccadée, maintenant ; chaque mouvement de ses poumons libérait une vague d’adrénaline qui le submergerait rapidement, s’il devait rester là, immobile, face à face avec Iseul Seong, dans un couloir restreint. Il sentait son odeur. Il entendait sa propre respiration. Ses traits se dessinaient sous ses yeux et lacéraient son cœur. Prajak détestait Iseul Seong. I hate him. I hate him. Ces mots se répétaient dans sa tête, comme s’il était en train de réciter un sortilège qui l’aiderait à être dépossédé des démons (du démon) qui le tourmentait. À quoi bon le détester ? Il avait essayé tellement de fois de le faire, saisissant toutes les raisons, bonnes ou travesties, qui s’offraient à lui. Mais ne pas le détester (ou ne pas essayer de le détester) était bien plus douloureux et dangereux. Iseul Seong ne lui appartenait pas et ne lui appartiendrait jamais. Parce qu’il le voulait. Il le désirait, quand bien même Prajak n’était pas sûr de ce que cela voulait signifiait, ni ce que cela impliquerait ensuite. L’aimait-il ? Ou l’enviait-il seulement ? Il n’en savait rien. Il y avait du désir, certainement. Là, face à Iseul, Prajak mourrait d’envie de briser la distance et d’embrasser ses lèvres. Quel goût auraient-elles ? Mais cette simple idée l’effrayait. Quelquefois, lorsqu’il pensait à Iseul (ou, plus exactement, lorsqu’Iseul prenait sournoisement possession de lui) cette idée le dégoûtait. Quelquefois, elle l’obsédait tellement qu’il partait en quête d’une conquête de substitution, à défaut de pouvoir faire sien l’objet de sa folie.
Oh, il détestait Iseul Seong.
– You always try to run away, Praj'.
You’re wrong, pensa-t-il. I never have the time to run away.
Il laissa Iseul attraper ses doigts et les emprisonner dans la paume de sa main. Prajak ne se fatiguerait jamais : il pourrait le suivre n’importe où, même si leur course devait être éternelle. Il se contenterait, toute une vie, de ça : sa main dans celle d’Iseul, qui le mène sur un chemin inconnu. Il se fichait de la destination. Il se fichait de la distance. Il serait avec Iseul Seong, l’homme qu’il détestait le plus, et ce seul fait serait suffisant à le contenter.
Il sentait les doigts de son tortionnaire se resserrer autour des siens, et Prajak sourit. Un sourire invisible. Un sourire mental, peut-être. Pensait-il vraiment que le garçon pourrait fuir ? N’avait-il rien compris ?
Ils arrivèrent sur le toit de l’établissement. Les néons rouges de l’enseigne du casino plongeait la scène dans une lumière étrangement douce et hypnotique. Prajak Manoban n’avait que faire des étoiles qui brillaient au-dessus d’eux. Il finirait par les observer, pour regarder dans la même direction qu’Iseul, mais elles n’étaient pas sa priorité.
Come on.
Prajak haussa les épaules. Ce qui se passait à l’intérieur de lui ne filtrait pas ; il se l’interdisait. Les mains, enfin libres, plongèrent dans les poches de son pantalon. Ses épaules tombaient en arrière, nonchalamment ; il était resté debout trop longtemps et son dos le faisait doucement souffrir. Il grimaça en essayant de faire craquer ses vertèbres douloureuses. La distraction était plaisante. Mais inutile ; ses yeux ne pouvaient se détacher d’Iseul Seong.
Dans un soupir, il sortit finalement de son silence.
– What’s up ?, lâcha-t-il avec une provocation à moitié dissimulée.

- What's up? répéta-t-il, un sourire amusé transperçant le bas de son visage, tout autant que l'éclat de rire qu'il ne put réprimer. Le grand Manoban semblait si détendu à l'instant, lorsque souvent, il lisait la nervosité sur ses traits, dans ses gestes, dans son regard. Cette fausse aise le fit doucement glousser, tandis que ses yeux inquisiteurs tentaient de percer le mystère qu'était Prajak. Il n'avait jamais réussi à mettre le doigt sur ce qu'il était, ce qu'il voulait. Prajak avait toujours joué la carte de l'homme énigmatique, ne ravivant que plus l'intérêt qu'Iseul pouvait lui porter.
Le coréen se rappelait des nombreuses heures passées ensemble. Des souvenirs qui remontaient à la surface dès qu'il croisait le regard du thaï. Il se rappelait d'une enfance semi-partagée, malgré les statuts pour leur rappeler qu'ils étaient différents, d'un monde différent. Il revoyait les cheveux noirs du plus jeune, souvent à sa trousse, souvent à l'observer. Il contemplait les longues minutes, emplies de tension, qu'ils partageaient, depuis une éternité. Le coréen n'aurait pu nier que Prajak Manoban était devenu un bel homme. Grand, beau, en apparence sûr de lui, même si discret dans son attitude et ses habitudes. C'est toute cette peinture qui l'intriguait, qu'il souhaitait gratter avec beaucoup de patience.
Il n'était pas insensible à ses charmes. Si le Manoban prenait soin de dissimuler ses envies, le Seong pouvait parfaitement deviner qu'il portait une certaine influence sur celui qu'il pensait déjà être son ami. Ils n'étaient pourtant pas amis. Son père lui avait régulièrement rappelé que les Manoban étaient leurs vassaux, non leurs compagnons. Ils étaient là pour leur rendre service, pour leur être loyaux, sans aucune distinction de complicité possible. L'électricité qu'il ressentait pourtant, alors qu'il plissait les yeux, dérangé par la lune trop lumineuse, elle, n'était pas fausse, ni inventée. - You tell me, what's up. il se prit à répondre. Prajak ne sortirait pas indemne de cette soirée. Iseul avait envie de s'amuser. De se sentir libre, aimé, adoré. Il vint le détailler, longuement, tentant de décrypter ses expressions. - You're making it hard for me, il râla, tapant du pied, croisant les bras sur sa poitrine. - You think you're so subtle being all enigmatic and secretive ... Il haussa les épaules, visiblement prêt à provoquer ouvertement Manoban jusqu'à le faire craquer. - But I've seen the way you're looking at me, Son ton se fit plus doux, ses yeux plus séducteurs, chauds d'une braise qu'il aimait attiser. - We've grown up together, mostly, you can't lie to me, Praj'. Iseul minauda quelques instants, puis soupira d'un air dramatique.- But fine, if you don't want to tell me what's up, I'll shut up and let you stare at me all broody, like you love doing most of the time. S'il aurait voulu le forcer à lui faire avouer ce qu'il ressentait, il savait que l'affaire ne pourrait être résolu si facilement. - Stay with me, now, il lui ordonna, prenant sa main à nouveau pour l'attirer, près du mur qui les séparait du vide. - Sit with me, lui demanda-t-il, alors que lui-même se mettait à cheval, ne lâchant pas sa main. - Don't let me go, il murmura, oeillant d'un air inquiet le vide qui le menaçait.