( as day bleeds into nightfall ), ry'mone.

La mélancolie est peinte sur son visage, ses semelles grattant un peu le bitume alors qu'elle avance, le nez levé vers les cieux. Au-dessus de sa tête, le ciel se déchire entre nuages noirs et gris, faisant planer la menace de l'orage, parfait reflet de ce qui se brouille dans la tête d'Emelia. Son esprit partagé entre la léthargie et la fièvre, trop de pensées le parcourant, ne sachant trouver accroche nulle part. Elle pense à tout et à rien, à tout le monde et personne. Les rues de New York toujours pleines de passants, les regards méfiants et les conversations basses, mais elle n'a rien à craindre ici. Greenwich Village est la maison des Herne, et donc la sienne. Elle connaît ce quartier, y a grandi, ne l'a jamais vraiment quitté. Inspirant profondément l'air tempétueux, allant trouver refuge chez son ami, chez qui elle saura respirer un peu mieux. Car avec Ry'mone, le monde semblait faire un peu plus de sens. Elle s'était toujours sentie comprise avec lui, leurs conversations en parfaite harmonie avec ses préoccupations, ses réflexions, ses questionnements. Ry'mone savait, Ry'mone comprenait. Elle pouvait parler, et elle pouvait rester silencieuse, Ry'mone aurait le bon mot, le bon regard. Il saurait l'apaiser. Pour Emelia, c'était plus rassurant que n'importe quoi.

Elle gravit les escaliers jusqu'à la porte, ses longs cheveux bruns foncés tombant le long de ses épaules. Habillée simplement, elle n'attire pas vraiment l'attention. Ses yeux sont fatigués d'avoir passé la journée penchée sur des papiers, travaillant des dissertations, n'arrêtant jamais de s'oublier dans ses recherches. Les murs de Brakebills étaient un peu étouffants, aujourd'hui, et ça n'avait rien à voir avec l'humidité. Un peu d'oxygène lui ferait du bien. La porte de bois ne bouge pas sous ses coups timides, bien qu'elle n'ait pas à l'être. Ry'mone l'attend, ils ont pris rendez-vous un peu plus tôt. Et quand finalement le visage de son vieil ami apparaît, Emelia a un sourire qui n'est pas le moindrement feint. « Je crois que je suis en avance, » dit-elle avec un certain soupir. Haussant les épaules, elle jette un coup d'oeil par-dessus son épaule. « Tu ne m'en veux pas, j'espère ? Et je n'emmène rien. Je fais une bien mauvaise invitée. » Il y a cependant un peu de malice, un peu de complicité dans sa voix, se reflétant dans ses yeux. « J'y suis retournée hier soir. » Ajoute-t'elle avec un peu plus de fébrilité. « Ne veux-tu pas en savoir plus ? » Presque une gamine, le rire au bord des lèvres.