god loves the hungry more than the full (wisps)

god loves the hungry more than the full — @abigaïl willowisp, @andreas bok, @fairuz willowisp
Maybe we need every answer in the world
to survive a single question:
how long do we
have each other?

Le crépuscule s’était infiltré en tout interstice et déjà s’écoulait au-delà de l’horizon l’or d’un jour inachevé. Égaré en ces ruelles sombres, ces quartiers ravagés où ne régnait personne, le gamin n’était à peine plus qu’ombre en ce royaume. Longeant les murs, s’éteignant hors d’atteinte de toutes prunelles, il était cet anonyme s’évanouissant au bord des yeux. Cette tache sombre qu’on imagine voir et qui déjà s’évapore abandonnant derrière lui cet inconfort qu’on ne peut expliquer. Il restait à jamais cet orphelin allouvi, à peine plus que carne sur les os, forcé de se rompre et s’écharper pour hurler au monde qu’il existait. Un enfant déjà évaporé que personne ne cherchait à retenir. À proximité, la vie s’ébrouait et grondait pour se faire entendre. Les clébards affamés usaient le sol de leurs pas lourds à la recherche d’une victime pour sustenter l’horreur de cette famine labourant leur chair. Se tenant à distance de la commotion, refusant l’appel de ces nuits d’inconsciences sereines passées à flirter avec l’interdit, le louveteau se contentant d’assurer son office. Découvrant les ruines de ce qui était autrefois une maison, le ballet du brasier ayant rongé les murs lui cramant la rétine, il passa sous les décombres de l’entrée avant de s’installer au trou béant autrefois apparenté à une fenêtre.
Le regard posé sur le hangar délabré, Yaj contemplait les vitres opaques de la bâtisse refusant ses secrets à la vue du monde. Sortant de sa poche son paquet de cigarettes, il porta une clope à ses lèvres sans se soucier des reliquats calcinés de ce qui aurait dû être un foyer pour quelqu’un. Peut-être le sien. Ou celui de ses camarades d’infamies, l’opprobre de leur engeance éteinte un stigmate que le monde refusait de laisser cicatriser. Se consumant à ses lèvres, le cylindre de nicotine était un brasier qu’il préservait en ses poumons. Le feu de forêt coincé à l’envers de ses côtes un doux rappel de sa survivance arrogante. Au gré du silence imposé par la sorgue, le Willowisp entendit le bois craquer en son dos. Le pas léger et pourtant impudent de ceux qui ne lui doivent rien, à qui il doit tout. Sans se retourner, Yaj sorti le papier chiffonné de la poche intérieure de sa veste avant dans lisser les bords. Tendant le papier au nouvel arrivant, l’ébauche d’une statuette arrachée au nacre de la feuille, il lui offrit un sourire : “Il n’y a rien de mieux qu’un bon vieux crime pour réunir toute la famille.” La créature au cœur trop pur se sentait rarement aussi vivante et exaltée que dans ces moments d’interdits partagés. Que dans ces instants quand les visages de ses proches placés sous le linceul de la nuit se découvraient à sa vue. Il y avait l’appât du gain, toujours,  mais pour lui c’était tellement plus que cela. Leur troupe d’orphelins était tellement plus que ça.

god loves the hungry more than the full — @abigaïl willowisp, @yaj willowisp, @fairuz willowisp
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to survive a single question:
how long do we
have each other?

Il y avait certains risques qui n'étaient pris que pour une famille. Qu'elle soit de sang ou de cœur, imposée ou de choix, elle avait une importance qui se marquait dans le temps et dans l'Histoire, dans les actes et les paroles, et qui menaient des vies à se croiser et s'entremêler, plutôt que de se séparer. Sa famille de sang, Andreas l'avait vue s'étioler jusqu'à disparaître presque entièrement. Plus de mère, jamais de père, un frère mort, l'autre parti. Il n'y avait plus que lui, que sa fille, qu'Arrei par la force des choses et l'affection qui les liait encore. Et il y avait eux. Cette bande de gamins qui peinaient à devenir adultes, que la vie n'avait jamais épargnés et qui, pour certains, restaient pourtant plus pur que les étoiles qui constellaient le dessus de sa tête elles-mêmes. La famille choisie, construite au gré d'une existence chaotique et commune, qui semblait tout droit sortie d'une série de livres dont les plus riches se délecteraient avec émoi pendant qu'eux, ensemble, vivraient cette existence d'inconfort mais de solidarité. Tous autant qu'ils étaient, ils n'avaient presque rien et, de ce fait, possédaient presque tout, parce qu'ils pouvaient compter comme acquise cette famille si imparfaite qu'elle n'aurait, en fin de  compte, pu être plus idéale que ça. Garant sa voiture au détour d'une rue, la plaque d'immatriculation dissimulée sous un argot visant à narguer les plus indiscrets, Andreas verrouilla les portières et se déroba sous le manteau de la nuit pour rejoindre une silhouette si familière qu'elle lui donnait, à peine se dessinait-elle dans l'obscurité, l'impression d'arriver à la maison. Les autres n'étaient pas encore là. Sans surprise, c'était Yaj le premier su les lieux du crime qu'ils allaient commettre ensemble, pieds et poings liés.
Tendant la main, il prit le bout de papier entre ses doigts et détailla le croquis de la statuette, objet de leurs désirs. Il arqua un sourcil, peu mécontent de ne pas avoir à se glisser dans le bâtiment face auquel ils se tenaient tous les deux, et redonna le bout de papier au jeune garçon à ses côtés. Comment ils en étaient arrivés là ? Ça n'était pas le plus important dans leur histoire ; c'était là où ils arriveraient, ensemble. — Combien tu penses qu'on peut en récupérer, chacun ? Andreas n'était l'expert ni des comptes, ni des infiltrations. Si Yaj et les autres étaient prêts à prendre le risque de se glisser dans un bâtiment comme celui-ci, c'était qu'à la clef, il y avait quelque chose de suffisamment alléchant. Lui les attendrait dans la voiture, prêt à démarrer et à conduire jusqu'à l'endroit sûr désigné : deux pâtés de maison de son appartement, où ils pourraient tous finir la nuit, à la recherche d'un acheteur.

god loves the hungry more than the full — @abigaïl willowisp, @yaj willowisp, @andreas bok, @valefor czerny
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to survive a single question:
how long do we
have each other?

Fairuz a posé sa soirée, fait suffisamment rare pour être noté, employée précaire habituée à vérifier son téléphone tous les soirs pour vérifier le statut de ses contrats. Elle a pris sa soirée, privilège qu’elle ne s’octroie presque jamais et toujours pour les mêmes. Elle a pansé la brûlure de la voisine aujourd’hui, gardé deux gamins pendant qu’un père célibataire faisait quelques courses et elle a dormi, un peu, en préparation de ce qui promet d’être une longue nuit. En espérant qu’elle en voie le bout. Pas d’argent pour un taxi, pas de voiture à son nom et pas envie d’embêter Andy, elle s’engouffre dans un bus plein à craquer, entre deux aisselles qui lui font froncer le nez et ferme les yeux en attendant que le trajet passe. Le reste du chemin, cigarette entre les lèvres, l’impatience grimpe, non pas à l’idée du méfait, mais de la réunion de famille incidente. À croire que ça fait des semaines qu’elle ne les a pas vu, mais c’est qu’on est loin du quotidien confinés ensemble à l’orphelinat, souvenirs doux-amers d’une enfance volée et chérie tout à la fois. Ils lui manquent tous autant qu’ils sont, même si elle fait tous les efforts pour les voir autant que possible, ils lui manquent, surtout au complet.

Un index sur les lèvres pour incomber son acolyte au silence, elle sautille dans le dos d’Andy et place deux paumes sur ses yeux. « Devine qui c’est ? » Plaque un baiser sur sa joue une demi-seconde plus tard pour toute réponse à sa devinette. Sourire chaleureux vers Yaj et les prunelles tombent sur le croquis entre les mains d’Andreas dont elle a entendu la question lancée juste quand elle arrivait. « Joli travail. » félicite-t-elle le faussaire dont elle reconnaît le fusain. « Le type disait que ça valait à peu près vingt mille dollars. » Regard vers Yaj pour confirmer l’estimation, Faye n’a fait que transmettre l’information première, le reste du plan elle l’a laissé à d’autres, plus avisés. Si le génie initial les a quitté, les autres demeurent bien capables, surtout à plusieurs, de mettre un plan acceptable sur pied. C’est juste que ça a tendance à être un peu plus risqué qu’avant-guerre. Peut-être pour ça que, sans se mêler aux réflexions, elle s'est arrangée pour une supervision supplémentaire. « C’était un client du Creamy Tap qui se vantait de sa dernière acquisition… » explique-t-elle pour Andreas, un petite moue sur les lèvres, craignant comme d’habitude que son tuyau s’avère défectueux. Mais elle ne doute pas (vraiment) que les vérifications préalables ont été dument réalisées. « On en tirera moins, forcément… » Faudra trouver un receleur et ils y perdront au change. C’est le lot des petits poissons qu’ils sont, le prix à payer pour passer (si tout va bien) entre les mailles du filet. « Mais ça restera pas mal. » Pas de quoi les mettre à l’abris pour la vie, mais de quoi faire une vraie différence pour les prochains mois. De quoi lever le pied pour ceux qui se tuent le plus à la tâche, de quoi pour elle s’acheter quelques heures de sommeil tranquille et quelques cadeaux pour ceux-là même avec qui elle viole ce soir la loi. « Les filles sont pas encore là ? J'ai envoyé un texto à Val. » Le tout lancé sur le même ton pour feindre l'innocence. C'est autant un danger supplémentaire qu'une issue de secours potentielle que d'impliquer un Czerny dans leurs aventures.